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TËTE DE GONDOLE

 

 

-de Christophe Rioux, éd. Flammarion,
288 pages, 19€.

En racontant les mésaventures d’un ancien agrégé de lettres, devenu employé d’un hypermarché, Christophe Rioux brosse un tableau à la fois amusant et inquiétant de notre époque. Argent roi, société de consommation, « horreur salariale » L’auteur pousse la logique contemporaine de marchandisation et de déshumanisation jusqu’à l’absurde, dans un style qui ne manque ni d’élégance ni d’humour. Son sens de la formule et du décalage surréaliste font mouche jusqu’à ce que l’intrigue, malheureusement, sombre dans le grand-guignolesque…

en librairie depuis le 04/02/2009

- par Frédéric VIAUX -

 

- CANDIDE au royaume de l'achat impulsif -

Le personnage principal de cette Tête De Gondole s’appelle Victor. Glorieux prénom qui vient contredire son destin de loser… Démissionnaire de l’Éducation nationale après avoir proposé à ses élèves l’étude d’un texte trop poétique et suggestif, le voici contraint de se « vendre au grand capital », de se « prostituer dans le privé ».

Toute la drôlerie du roman repose, dans un premier temps, sur l’inadaptation de Victor au marché du travail. Il est une sorte d’Hibernatus littéraire, « fossile d’une autre époque », confronté à une réalité qu’il regarde avec incrédulité. Ecrire une lettre de motivation, pour lui, revient à dire adieu aux « tournures alambiquées, références sous-jacentes à des mythes antiques, termes choisis pour leur rareté ou leur hermétisme au doux parfum de mystère mallarméen ». Et passer un entretien d’embauche tient de l’expérience kafkaïenne.

Que dire, ensuite, de la découverte des règles qui régissent un hypermarché ? Merchandising, packaging… font de ce lieu le temple du libre-service, le royaume de l’achat impulsif. « Je découvrais, ébahi, pourquoi le consommateur était l’animal le plus rentable de la planète », remarque Victor. Tel le Candide de Voltaire, il devient, par sa naïveté, le révélateur d’un monde marchand devenu fou.

- galerie de portraits -

Au fil des tribulations du personnage principal, Christophe Rioux présente une galerie de portraits bien croqués. Cela va du DRH sadique, « ex-psy d’obédience lacanienne », au directeur surnommé Bonaparte, expert en stratégies guerrières et toujours inconsolable de la défaite de Waterloo. On croise aussi un chef de secteur, biologiste de formation, qui parle de biotope économique et n’utilise que des métaphores zoologiques. Ou encore un militant altermondialiste, dont le travail est en complète contradiction avec ses engagements.

Enfin, une place de choix est accordée à une mystérieuse jeune femme, Fantômette de l’hypermarché, qui vient dévaliser les rayons la nuit. Dans la structure du roman, elle s’exprime un chapitre sur deux, en alternance avec Victor. Christophe Rioux donne en effet à lire deux journaux intimes. Deux styles. L’un, littéraire et décalé. L’autre, rebelle (sans ponctuation) et sarcastique. Deux êtres différents. Une rencontre. Et un drôle de lieu pour une histoire d’amour.

- microcosme -

Tout l’intérêt du livre est résumé en une phrase : « univers clos, fermé, l’hypermarché était, à y réfléchir, la métaphore parfaite de la société actuelle : à la fois emblème du capitalisme, lieu de consommation, de travail, de loisir, il rassemblait, dans une unité de lieu, de temps et d’action, tous les aspects tragi-comiques du drame quotidien. »

Malin, l’auteur a donc choisi un cadre idéal pour proposer, par scénettes, sans prétention, une chronique de notre monde moderne. Il évoque ainsi une société qui forme des jeunes surdiplômés dont les compétences n’ont parfois aucune valeur sur le marché. Une nouvelle génération ayant grandi pendant les « Vingt Piteuses » qui ont suivi les « Trente Glorieuses ». « Nous étions la génération sacrifiée La génération perdue sans les poètes qui vont avec Nous étions les maudits Les damnés de la terre Nous étions les précaires », écrit avec emphase la Belle de nuit.

- balzac inc. -

Dans ce roman, le travail n’a jamais aussi bien reflété sa signification latine de torture. Au cœur de la cible : le secteur privé, où l’on se vante de faire les 35 heures en 24, où le salarié devient un « esclave moderne », une « bête de trait au service du grand capital », une « abstraction ». Un univers où règne le culte du rendement et le tout contrôle, sous vidéosurveillance. Quelque chose d’orwellien.

Et la littérature dans tout ça ? Un produit comme un autre, vendu au rayon bazar, soumis aux mêmes lois de commercialisation. Avec des auteurs qui deviennent des « marques », des « entreprises » qui génèrent du « cash », « Balzac Inc., Flaubert Limited ». A quand un écrivain coté en Bourse, semble se demander l’auteur ?

- surprenant christophe rioux -

Ce livre a-t-il été écrit par un rebelle à l’ordre établi, un anarchiste altermondialiste ? Pas du tout. Christophe Rioux enseigne l’économie à la Sorbonne et dans les grandes écoles de commerce. C’est un spécialiste du marketing du luxe… Etonnant. On apprécie d’autant plus sa performance à se fondre dans la peau d’un littéraire naïf et sa capacité à prendre une distance ironique et critique vis-à-vis d’un système dont il doit connaître toutes les subtilités. Si quelqu’un comme lui propose un tel récit, on se dit que le monde d’aujourd’hui a vraiment atteint ses limites…

Cependant, le roman a les défauts de ses qualités. Si la satire, en grossissant les traits, permet d’appuyer là où ça fait mal, ou de faire jaillir l’absurde ou le monstrueux, elle peut aussi parfois basculer dans la caricature. Ainsi en est-il de la présentation de certains personnages : le président du Consortium, forcément odieux et tyrannique ; les artistes contemporains, tous bizarres ou drogués ; ou même Victor, dont l’évolution lui fait dire : « Était-ce le destin du capitalisme de nous transformer en bêtes sauvages ? » La limite du livre réside dans son aspect schématique et un peu démonstratif. On aurait aimé plus de nuances.

- dérapages incontrôlés -

Plus dommage encore, la propension de l’auteur à se laisser porter par son imagination et à épouser les délires de son personnage. L’histoire part en vrille et bascule finalement dans un thriller facile, puis dans une utopie trop vite troussée, pour dessiner « une société idéale dont le berceau [est] le cadavre du capitalisme, réduit à l’état de fumier, mort mais fertile ». Une esquisse, seulement, de ce qu’il aurait été intéressant de développer. Le livre aurait alors pris une dimension autre qu’anecdotique10/05/2009

 

- christophe rioux -

 

 

 

 

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