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LES VÊPRES DE LA VIERGE

de Monteverdi

 

 

-sous la houlette du plasticien russe Oleg Kulik, au Théâtre du Châtelet à Paris, du 24 au 29 janvier 2009

Les Vêpres de la Vierge, créées en 1610, sont un joyau du répertoire sacré pour ensemble vocal et instrumental. Oleg Kulik, artiste hors normes et familier des polémiques, s’est emparé de cette œuvre (du) culte pour proposer une « liturgie spatiale », totalement innovante… et déconcertante.

26/01/2009

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- par Frédéric VIAUX -

***

 

Mesure-t-on bien la solitude du chroniqueur au moment d’écrire quelques lignes sur ce spectacle, ou plutôt sur cette « expérience », pour reprendre le terme du metteur en scène ? Pas assez, certainement. Que dire d’emblée ? Qu’il s’agit d’une composition hallucinée et hallucinogène. Un voyage aux confins de l’étrange, entre religion et science-fiction. Un maelström d’audace, d’imagination fiévreuse et de délire visuel. Bref, une formidable occasion pour les puristes de s’étrangler. Et pour Monteverdi de se retourner dans sa tombe.

- Cultissime -

Petit retour sur l’œuvre source avant d’explorer la mise en scène de Monsieur Kulik. Souvent comparées au Messie de Haendel ou à La Passion Selon Saint Matthieu de Bach, ces Vêpres De La Vierge sont un chef-d’œuvre de la musique sacrée. Une « vaste réflexion musicale en forme de variations sur le mythe de Marie », selon Olivier Rouvière. Ces Vêpres sont en fait un corpus de pièces, qui se distinguent les unes des autres par leur originalité, tout en formant un équilibre et une progression. Cela commence par une dédicace au pape Paul V. Puis résonne une Messe à six voix, suivie d’un office vespéral incomplet, de quatorze pièces.

- La vie est un songe -

Crâne rasé, longue barbe et lunettes rondes, Oleg Kulik a des airs de savant fou et de moine punk. D’où lui est venue l’idée de mettre en scène Les Vêpres De La Vierge ? De Monteverdi lui-même, bien sûr. « Monteverdi me l’a fait savoir en rêve : il a passé commande et c’est tombé sur nous comme une petite plume. »

Comment voit-il cette œuvre ? « Créées au tournant de la Renaissance et de l’âge classique (1610), elles [Les Vêpres] incarnent le passage vers une civilisation moderne. S’y mêlent aussi bien la terre et le ciel, le monde et le siècle, l’ancien et le nouveau, l’humain et la rigueur mathématique. »

Comment envisage-t-il son rôle de metteur en scène. « Je travaille dans des espaces neufs, une fois que le diable est parti et que Dieu n’est pas encore venu. C’est alors qu’apparaît l’artiste : celui qui fait passer les hommes de la frontière du connu vers l’inconnu, celui qui dresse un pont, celui qui transpose ce qui est normal, simple et petit vers quelque chose d’inhabituel et d’ouvert au monde. Autrefois, les prêtres assuraient cette liturgie. L’artiste contemporain en est le successeur : il est l’acteur de ces actions sacrées. » Amis mystiques, bienvenue au spectacle. Rideau !

- Une cathédrale galactique -

« Artiste de l’espace », Oleg Kulik a voulu recréer un lieu sans division entre la scène et la salle, « un espace uni digne d’un temple qui accueille une cérémonie ». Ainsi a-t-il placé le chef d’orchestre face au public, comme un prêtre, et non dos à lui. La fosse a été recouverte et les musiciens invités sur scène. Les chanteurs lyriques, eux, investissent souvent la salle : les chœurs aux balcons supérieurs, les premiers rôles dans les travées. « Le spectateur ne se sentira plus comme une saucisse paresseuse exclue du spectacle, mais comme un morceau de pain : le pain de la liturgie, le pain que l’on donne à manger aux chiens. » Vous voilà prévenus. Ce n’est pas un spectacle pour les saucisses.

Autre innovation spatiale : un travail d’avant-garde sur les images, la lumière et les couleurs. Projection d’effigies, de faisceaux lumineux fluorescents, panneaux réfléchissants, créations graphiques et plastiques, noyées dans des fumées intermittentes… On baigne dans une atmosphère diffuse, surréaliste, surchargés de signes. L’austérité religieuse et le recueillement ont été laissés au placard pour vivre une expérience insolite dans une cathédrale du futur, high-tech, tantôt chatoyante, tantôt inquiétante.

- Cérémonie syncrétique et profane -

« Je voulais créer une liturgie divine en dehors de toute confession », précise le metteur en scène. Voilà qui détourne complètement l’œuvre de Monteverdi… Et en effet, à la dimension catholique se superposent notamment des étoiles de David, des symboles du yin et yang, etc. Un ensemble tibétain, enfoui dans la fosse, joue même des musiques rituelles et entonne des chants tantriques !

Mais ce n’est pas tout. Notre ami Oleg a fait appel à Hermes Zygott, concepteur sonore, pour proposer quelques intermèdes venus d’ailleurs, plus précisément de notre monde quotidien. Chutes d’eau, cigales, sirène de police, sons de tracteurs, coups de tonnerre, craquement de tablette de chocolat ! On quitte alors les hautes sphères célestes pour redescendre sur terre. Et ça en devient presque exotique…

Les interprètes et les musiciens, quant à eux, ont été revêtus de curieuses combinaisons qui les font ressembler à des membres d’une secte secrète. Jean-Christophe Spinosi, chef d’orchestre et maître de cérémonie, est affublé d’une robe noire. Parmi ces acteurs du drame, deux acrobates, au costume improbable, évoluent librement. Il ne manque que quelques animaux sur scène.

- Et les Vêpres dans tout ça ? -

Si l’ambition était de « servir » la musique de Monteverdi, c’est manifestement un peu raté, tant l’univers visuel et les « divertissements » sonores monopolisent l’attention. L’œuvre du compositeur italien apparaît plus ici comme la source d’inspiration d’un spectacle total, qui ne plaira pas à tout le monde mais ne laissera personne indifférent. Certains y verront forcément un crime de lèse-majesté musicale ou même blasphématoire. D’autres ressortiront peut-être de la salle avec la tête qui tourne, une impression d’indigestion et un sentiment de mauvais goût. On pourra aussi se laisser porter par la rêverie et s’amuser de cette nouvelle forme baroque, absolument unique en son genre.

Mais là n’est peut-être pas l’essentiel. Car Oleg Kulik a de grandes et louables intentions pour le public : « Un grand nombre de Français prennent des antidépresseurs et vivent dans la solitude du grand amour. Avec la crise, ils risquent de sombrer dans l’alcool et dans la drogue. Ceux qui auront entendu Les Vêpres vivront autrement, c’est sûr. » À bon entendeur…

- musique sacrée : son et lumières -

 

 

 

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