- rites et la culture aborigène -

A grand évènement, grande soirée. Le spectacle achevé au bout d’une heure d’une émotion rare, le public n’en finissant plus d’applaudir, le moment de l’entracte est déjà venu. A peine le temps de fermer nos bouches bées et de revenir à la réalité que la sonnerie du rappel retentit.

Le rideau s’ouvre une nouvelle fois. Après quelques secondes seulement la magie opère de nouveau. Disposés en cercle autour d’un danseur vêtu d’un simple oripeau, ses compagnons (oripeaux également pour les hommes et robes fines et près du corps pour les femmes) commencent leur danse sauvage. Car si la Symphonie Fantastique, bien que modernisée par Pastor, prend ses origines dans le romantisme du 19ème siècle, Rites est un spectacle organique, s’inspirant fortement de la culture aborigène. Et pour cause, il est l’œuvre du Bangarra Dance Theatre, compagnie créée en 1989 par Carole Johnson, alors directrice de la NAISDA (école nationale australienne de danse indigène). Son travail se concentre sur le mélange des traditions aborigènes et de la danse contemporaine. Au-delà de l’intérêt purement artistique d’une telle approche, la compagnie a pour but d’explorer les univers et traditions de la population australienne, composée des tribus aborigènes et des occidentaux issus des premiers colons. Le but : rassembler et aller de l’avant, ensemble. En assistant à Rites, force est de constater que l'art peut parfois pallier aux impasses politiques.

- le tribal, un pont vers le monde animal -

Dès les premières notes, avant même le premier mouvement des danseurs et à la simple vue du tableau dressé sur scène, une indicible sensation s’empare de du spectateur. La musique d'accompagnement est extraite du Sacre du Printemps de Stravinsky et autant dire qu’elle exprime parfaitement la tribalité et la sauvagerie qui sommeillent en chacun de nous. Comme les membres de cette étrange tribu qui s’ébattent sur scène, le spectateur, figé sur son siège, voit inévitablement sa bestialité enfouie ressurgir. On est comme happé par cet appel magnétique. Encore une fois les décors et les lumières viennent servir la cause d’une chorégraphie intense, rude et même cathartique de par l’explosion des sens qu’elle provoque. Parfois effrayante, la danse millénaire de ces indigènes australs est hypnotique. Impossible de quitter des yeux un seul instant ce rituel mystique et fascinant. Créé en 1997, Rites a déjà une longue vie derrière lui pour un spectacle. Onze ans après sa première, nul doute que sa route ne s’arrêtera pas là.

Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier le travail du Bangarra Dance Theatre et de l’Australian Ballet. Bien que différents dans leur approche de la danse, les émotions sont au fond les mêmes, vives et intenses. Alors quitte à choisir un adjectif commun pour qualifier ces spectacles, autant prendre celui qui caractérisent le plus leurs créations et leur aboutissement sur le scène du Théâtre du Chatelet : grandiose !