- les « grandes vacances » -

Jacques Vergès se volatilise littéralement pendant huit années. Cette disparition non élucidée, qui entretient toutes les spéculations depuis trente ans, contribue à donner naissance au mythe Vergès. Du statut de simple avocat, ce dernier passe à celui de personnage de roman d’espionnage, d’aventurier du vingtième siècle, de révolutionnaire rêvant de rejoindre Robespierre et Saint Just dans l’Histoire. Alors qu’il revient incognito à Paris, des gens le pensent en Russie, au Cambodge, au Liban, en Palestine, à Cuba…

On l’a cru mort, il réapparaît soudainement en 1978. A-t-il travaillé pour les services secrets ? Des bribes d’information parcourent les pages de son roman Agenda, écrit pendant son éclipse. Toujours est-il que son retour à la lumière se fait sans encombre, comme s’il était protégé. Etrange pour un personnage si gênant, qui va maintenant passer de l’ombre la plus totale au feu incandescent des projecteurs. Il ne s’y brûlera pas les ailes, bien au contraire…

- un avocat du diable qui ne "soufre" pas
de se savoir haï -

Jacques Vergès, ancien patron de presse qui manie l’arme médiatique avec la précision d’un tireur d’élite et l’esbroufe d’un catcheur, sort du silence en fanfare au début des années 1980. En 1982, il prend la défense de deux membres du « commando Carlos », interpellés dans un parking des Champs Elysées lors d’un contrôle de routine : le suisse Bruno Bréguet (membre du FPLP) et l’allemande Magdalena Kopp (compagne de Carlos). La détention de cette dernière sert de prétexte aux sanglants attentats de la rue Marbeuf (22 avril 1982), le jour même de l'ouverture du procès Kopp / Bréguet, et de la rue des Rosiers (9 août de la même année). La bête médiatique Vergès se révèle lors de cette affaire en « showman » sur les plateaux de télé, prenant violemment parti, envers et contre tous, pour ses deux clients. Mais ceci n’est qu’une mise en bouche.

C’est l’année suivante qu’il passe son grand oral, en acceptant d’assurer la défense du nazi Klaus Barbie (voir vidéo ci-dessous) alias « le boucher de Lyon », tortionnaire du héros national Jean Moulin (mené au Panthéon par Malraux le 19 décembre 1964). Folie, courage ? Seul face à 39 ténors du barreau, Vergès adopte de nouveau sa stratégie de rupture, qui a fait de lui ce fameux avocat craint de tous. Sa plaidoirie mémorable contribuera à faire de ce rendez-vous pour l’Histoire un procès véritable et non un lynchage en bonne et due forme.

- Vergès crève l’écran -

Loin d’être banni ou « blacklisté », Jacques Vergès sort de ce sulfureux épisode avec un prestige et une aura renforcés par le flegme qu’il sait garder en permanence face à la virulence d’ennemis toujours plus nombreux. Ceux-ci ne réussissent qu’à lui assurer une publicité encore plus importante, si besoin était. Ils veulent sa tête ? Ils vont être servis : on la voit en long en large et en travers sur les plateaux de télé, qui se l’arrachent. Au-delà des émissions politiques, littéraires ou de débat, il fait la joie des Ardisson et autres Ruquier, à son grand amusement.

Vergès est partout : télé, radio, presse écrite, librairie… il n’en devient pas pour autant respectable. Tout en assurant un perpétuel marathon médiatique, il continue à choisir des clients dont personne ne veut, usant - voir abusant - du même registre sulfureux « borderline ». La liste des clients de « l’avocat du diable », du « salaud lumineux », parle d’elle-même : Georges Ibrahim Abdallah, les leaders du FIS en Algérie, l'écrivain Garaudy (accusé de négationisme sur la Shoah), Cheyenne Brando, le jardinier marocain Omar Raddad, le caïd du terrorisme international Carlos, l'ex-président du Mali Moussa Traoré (voir vidéo ci-dessous) le Président serbe Milosevic… Même Saddam Hussein est un moment pressenti. Il ne sera, hélas ! pas retenu au casting.