- "croqueur" d'humanité -

C'est dans sa façon si particulière de "croquer" l'humanité qu'Hergé tirait une partie de son génie. Si l’on évoque Tintin, il est difficile d’omettre les autres personnages essentiels aux aventures du jeune reporter. Son inséparable Milou, fox-terrier qui vit à ses côtés l’ensemble de ses péripéties (il n'est certes pas humain mais parle dans les premières aventures avant de devenir muet par la suite). L’attachant Professeur Tournesol, loufoque, sourd, distrait, génial. Il fut inspiré à Hergé par un scientifique suisse, Auguste Picard. Ami fidèle, il fait tourner en bourrique le Capitaine Haddock. Ce marin bourru, ivrogne, bavard, râleur, mais bonne poire devient, dès son apparition, inséparable de Tintin, personnage trop parfait pour être vrai, dont il est une sorte de négatif. Ils se rencontrent sur le bateau du capitaine dans Le Crabe Aux Pinces D’Or et ne se quitteront plus. Ses insultes incroyables (répertoriées dans un dictionnaire d'Albert Algoud) et ses nombreuses failles contribueront à le rendre mondialement célèbre, presque autant que Tintin lui-même.

Difficile d’omettre les policiers les plus maladroits et ridicules de la bande dessinée Dupond et Dupont qui, doit-on encore le rappeler ne sont ni frère ni jumeaux. Ils apparaissent très tôt, dès le quatrième album, Les Cigares Du Pharaon et seront présents dans chacune des enquêtes du reporter. Rendons aussi hommage à la Castafiore, au Général Alcazar, à Chang, à Séraphin Lampion et à l'infâme Rastapopoulos.

- la face cachée de Tintin -

L'oeuvre n'a pas pris une ride (ou presque) et si elle continue de mettre tout le monde d'accord, de 7 à 77 ans, tout n'est pas toujours rose dans le petit monde de Tintin. À l’occasion de cet anniversaire, il est difficile de passer sous silence les controverses et questionnements soulevés par l’œuvre d’Hergé et l’auteur lui-même. Les contestations sont diverses : le premier album, Tintin Au Pays Des Soviets, est taxé d’anticommunisme, puis Tintin Au Congo est jugé trop complaisant au sujet du colonialisme qui sévissait à l’époque. La polémique la plus tenace est celle qui ferait d’Hergé un collaborateur : il lui est reproché d’avoir continué à travailler pour le journal Belge Le Soir, pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors sous contrôle de la censure allemande. De plus, ses fréquentations sont également un problème : proche de mouvements d’extrême-droite, et de personnage ouvertement antisémites, Hergé est arrêté plusieurs fois après la Libération pour répondre de ses agissements. Des accusations d’antisémitisme lui seront aussi adressées pour l’album L’Étoile Mystérieuse, paru en 1942 : un personnage détestable de banquier est baptisé Blumenstein. Interrogé à ce sujet, Hergé s’en défendra, il modifiera néanmoins le nom de ce personnage.

Enfin, la prédominance des personnages masculins, l’absence de figures féminines emblématiques (mise à part la Castafiore que tout le monde fuit en permanence) mène à des accusations de misogynie. Ce problème de la misogynie fait naître une nouvelle polémique qui agite même les plus sérieux analystes. Les pseudo-observateurs, auto-proclamés pour certains philosophes des temps modernes, s’inquiètent de plus en plus de la libido du héros de papier. Question à mille francs : Tintin est-il homosexuel ? très sérieusement, des études et des analyses des albums tentent de répondre à cette question d’une haute importance. Force est de constater qu’aucune femme n’a réussi ni même tenté de séduire le reporter qui semble plus préoccupé par ses aventures que par le batifolage. Une rumeur folle ayant un moment annoncé qu’une comédienne pourrait être choisie pour donner vie à Tintin dans les deux prochains films, il n’en a pas fallu beaucoup plus pour relancer les questionnements sur l’ambivalence du personnage. Heureusement ces questions métaphysiques échappent aux pensées innocentes du jeune public et comme pourrait dire Obélix : "ils sont fous ces adultes".

- Tintin du vingt-et-unième siècle -

Mais revenons aux célébrations qui accompagnent ce quatre-vingtième anniversaire de Tintin. Les hommages fusent de toute part d'autant plus qu'en 2007 c'était Hergé lui-même qui était à l’honneur, car on fêtait le centenaire de sa naissance (notamment à Paris avec une magnifique exposition au centre Beaubourg). En 2009, les fans (fort nombreux) du maître belge doivent s'attendre à du lourd, du très lourd. Tout d’abord, il y a l’ouverture, en juin, du très attendu musée Hergé dans la ville belge de Louvain-La-Neuve. D'autre part, à Namur, du 8 au 10 mai 2009, aura lieu le Festival Tintin. Il y aura aussi, dans le cadre de Brussels 2009 BD Comics Strip, une manifestation organisée à partir de février dans la capitale belge où Tintin, en fer de lance d’une génération, aura toute sa place parmi les différents événements.

Et enfin, nous l'avons déjà évoqué, « last but not least », un film hollywoodien en deux volets inspiré du Secret De La Licorne, utilisant la technique du motion capture (comme pour le récent Beowulf) dont les prestigieux instigateurs ne sont autres que Steven Spielberg et Peter Jackson. Le casting étant enfin bouclé, le premier tour de manivelle est annoncé pour le 26 janvier 2009, avec un premier volet annoncé sur les écrans pour le 22 mai 2011. Le monde n’a décidément pas fini d’entendre parler de Tintin et ses amis. Et c'est tant mieux mille milliards de tonnerre de Brest !02/01/2009