C'est ce que propose le Musée de l'Homme en rendant hommage à Germaine TILLION, ethnologue de renom, résistante, militante des droits de l'Homme, décédée le 19 Avril dernier, à l'âge de 1OO ans. Un siècle d'histoire, d'espoir, de combats menés contre l'esclavage, la pauvreté et la torture. Nous avons rencontré Nelly FORGET, qui l'a côtoyée pendant près de 50 ans et qui travaille aujourd'hui pour l'association "Germaine Tillion". Elle nous livre les étapes marquantes de sa vie. De ses premières missions ethnographiques en Algérie, à l'étude de la condition des femmes dans le monde méditerranéen, sans oublier son rôle dans les premiers réseaux de résistance, sa déportation à Ravensbrück ou encore son retour en Algérie pendant la guerre d'indépendance. Laissez vous guider par un itinéraire hors norme, celui de Germaine Tillion. Une lumineuse humaniste du 20 ème siècle…

- à LA RENCONTRE DE L AURèS -

Sa première rencontre avec l'Algérie, qui deviendra son terrain de prédilection, a lieu en 1934. Recommandée par Marcel Mauss (un des fondateurs de l'ethnologie française), elle découvre l'immense province de l'Aurès, pour mener à bien une étude sociologique de la population chaouïa. Elle partage alors pendant plus de 2 ans la vie de la tribu berbère semi nomade des Ah-Abderrahman de l'ahmarkhadou, entre montagnes et Sahara, véritable témoin qui observe, analyse dans sa totalité, la vie de ces habitants. Elle en rapportera des photos émouvantes, qui éclairent un travail remarquable de femme de terrain.

- SON ENGAGEMENT DE RÉSISTANTE… -

En 1940, elle rentre sur Paris et s'oppose farouchement au discours du Maréchal Pétain qui annonce l'Armistice. Elle co-fonde "le réseau du Musée de L'Homme", premier mouvement de résistance. Un symbole fort pour les défenseurs des droits de l'Homme, que de rendre aujourd'hui hommage à cette fervente militante, dans ce musée en pleine rénovation.

En 1942, elle est emprisonnée à la prison de Fresnes. Rien ne l'arrête, et elle continue, en dépit de son emprisonnement, son étude ethnologique des populations de l'Aurès. Elle est déportée en 1943 dans le camp nazi de Ravensbrück, réservé aux femmes (le plus terrible de tous) en Allemagne. Pour surmonter l'horreur, elle dissèque "l'incroyable vérité" sur le système concentrationnaire nazi. Avec son franc-parler, elle déclare: "c'est tellement important de comprendre ce qui nous écrase. C'est peut-être cela qu'on peut appeler exister"…Elle ne cessera durant toute sa vie de rétablir justice et vérité, avec une arme précieuse : la parole. Dans ce camp, elle compose une opérette "Verfügbar aux enfers", sur le quotidien effroyable des prisonnières, confirmant un courage, une énergie et un humour à toute épreuve (cette opérette a été jouée au Théâtre du Châtelet en 2007). Germaine TILLION est libérée en 1945 par la Croix Rouge suédoise. Elle perd sa mère en 1945, qui meurt dans ce camp.

- RETOUR EN ALGERIE ET "CLOCHARDISATION" -

Germaine Tillion retourne en Algérie en 1954 dans le climat extrêmement tendu de la guerre d'indépendance. Elle découvre la misère des paysans et des bidonvilles en périphérie des grandes villes. Elle crée en 1955, le service des centres sociaux, pour les plus démunis. Son livre L'Algérie En 1957, dénonce la "clochardisation" d'une population qu'elle connait depuis logtemps. Intellectuelle engagée, elle dénonce la torture et la peine de mort dans un pays où le sang coule. Sa rencontre détonante avec l'un des chefs du Front de libération algérien: Yacef Saadi, l'amène tout bonnement à jouer un rôle de médiatrice entre le FLN et le gouvernement français. Ceci lui vaudra de vives critiques de la part d'intellectuels français.

En 1961, elle est mandatée par le FAO et mène une étude sur la situation des femmes en Méditerranée. Elle écrit plusieurs années après, Le Harem Et Les Cousins, publié en 1966, un livre révolutionnaire sur la condition des femmes. Connue pour ses prises de position contre les violations des droits de l'Homme, elle signe en 2004, un manifeste pour inciter le gouvernement français à dénoncer l'utilisation de la torture par l'armée américaine en Irak. Concernant son travail scientifique, on notera que nombre de ses livres sur l'ethnologie font désormais référence. Elle était également une des rares femmes à porter la Grand Croix de la légion d'honneur.

Il est difficile de résumer une vie aussi riche que celle de Germaine TILLION. Après avoir visionné ce reportage, le mieux, peut être, est de se hâter au Musée de L'Homme. Des débats, des projections, des conférences sont proposés pour mieux comprendre cette femme exceptionnelle, comme le rappelle Nelly Forget. On ne sort pas indemne de cette rétrospective consacrée à l'œuvre d'une vie (et quelle œuvre!). Peut être permettra-t-elle, à chacun d'entre nous, de prendre conscience de l'importance fondamentale du respect des droits humains. Car tous, avons un rôle à jouer sur la scène de cette humanité dont chacun de nous est un maillon et qui nous lie les uns aux autres…11/08/2008