- PRIX DE FLORE 2008 -

interview frédéric beigbeder

Qu’avez-vous aimé dans le roman de Tristan Garcia (La Meilleure Part Des Hommes) ?

La grande précision des détails et la densité de l’écriture. On a l’impression que, tel un journaliste du New York Times, il doit mettre une information dans chaque phrase. Il peint une sorte de tableau, comme un reporter. En plus le sujet est difficile, on est dans les années 80. Avec l’expansion du SIDA tout est transformé. Les pédés bougent, s’émancipent et mènent des combats cruciaux. Il y a toute cette thématique et problématique de l’argent, la santé et la liberté. Le gouvernement privilégie la santé à la liberté….

Et vous, vous l’avez prise votre liberté ?

Oui, quitte à en crever…

Qu'’est ce que ça vous fait de faire partie d'un jury, d’être de l’autre côté ?

C’est agréable. Mettre des notes, distribuer des médailles, décider… Enfin, il y des fois on aimerait mieux les recevoir…

Au Secours Pardon (son dernier livre ndlr) remonte à plus d’un an, êtes vous en train d’écrire actuellement ?

Oui je suis sur un nouveau projet. Mais je ne peux pas vous en parler, je n’ai même pas le titre !

interview tristan garcia

Chaque année le prix de Flore consacre de jeunes auteurs talentueux et leur donne un joli chèque de 6000 €. Pour l’édition 2008 c’est Tristan Garcia qui rafle la mise. Il n'a que 27 ans et son premier roman, La Meilleure Part Des Hommes, séduit déjà les écrivains les plus expérimentés. Sa plume énergique et la verve de sa prose contrastent nettement avec sa formation de philosophe… Qu’importe, du moment qu’il réjouit nos neurones. Rencontre avec un auteur timide et étonnant de simplicité.

Vous n’avez pas l’aire très à l’aise…

Je suis un peu intimidé. Ce monde, c’est impressionnant… En réalité, c’est la première fois que je viens au Flore…

Venons-en à nos moutons, ça fait quoi d’être primé ?

C’est tant mieux ! Mais je trouve ça un peu louche… Que ce soit moi.

Dans votre livre vous parlez des années SIDA, des homosexuels… C’est quelque chose qui vous est proche ?

Pas du tout, c’est vraiment quelque chose d’assez loin de moi en fait. Je suis hétéro (rire). Non, j’avais envie de décrire autre chose, d’autres lieux que ceux que je connais, de donner un sens particulier à une histoire. Les années 80 c’est le mouvement de la contre culture, l’émancipation des homosexuels… Un bon sujet. On est des héritiers de ces années là. Enfin, la société actuelle s’est faite à partir des évènements de l’époque.

Vu votre parcours estudiantin, pourquoi ne pas avoir écrit un ouvrage philosophique, une thèse ?

J’ai soutenu ma thèse le 4 novembre dernier, elle portait sur le concept de représentation du 20ème siècle… C’est assez technique. Et pourtant j’aime aussi l’écriture pure et simple. C’est simplement deux domaines différents. Vous pouvez aimer nager et aimer faire la cuisine à la fois. Eh bien moi j’aime la philosophie et l’écriture.

Quelle est la différence entre une thèse et un roman ?

Le point commun entre une thèse et un roman réside dans le fait que les deux sont le fruit d’une rédaction. En revanche dans la philosophie il y a des règles à respecter, des vérités à annoncer, des démonstrations à faire. Pour un récit il n’y a pas d’inconvénients, de restrictions, de codes…

Avez-vous déjà un autre projet en cours ?

Oui, j’ai déjà écrit un deuxième ouvrage. Sur les singes, les bonobos, une race qu’on a souvent confondu avec des chimpanzés. J’ai étudié les singes en même temps que la philo, deux filières en parallèle. Dans ce prochain livre c’est justement un singe qui est le narrateur. Mais vous savez, je n’ai pas encore soumis mon livre aux éditeurs…

Maintenant que vous avez été primé, qu’allez-vous faire ?

Chercher du travail ! J’aimerais bien enseigner. En plus c’est quelque chose que j’ai déjà fait pour pouvoir financer ma thèse. Je donnais des cours de philo et de sociologie à Amiens.