-David Carr-Brown et Fabrizio Calvi
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12/02/2010 | >> ACCUEIL |
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- entretien réalisé par Gert-Peter BRUCH & Mina MÉJANI -
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Extrait Vidéo : FBI, Ep. 3
- À L'ASSAUT DE LA MAFIA -
sur France 5, dimanche 28 février 2010 à 21h30
un film de DAVID CARR-BROWN

Rencontre avec Joe Pistone alias Donnie Brasco, dont l'histoire a été brillamment adaptée à l'écran par Mike Newell, en 1997.

Comment vous est venue l’idée de ce documentaire ?
David Carr-Brown: Alors... au départ ce n’était pas mon idée. C’était celle de Denis Poncet, le producteur, qui souhaitait faire ça depuis longtemps, en prévision du 100e anniversaire de la fondation du FBI par Charles Bonaparte. Donc ça lui trottait dans la tête et il m’a proposé de réaliser. J’ai écrit un petit texte, France 5 a dit qu’ils étaient intéressés, et là on m’a demandé avec qui j’avais envie de le faire. J'ai cité Fabrizio Calvi et à partir de là c’est devenu un gros projet. On est allé à Washington et très vite on a compris qu’on pourrait avoir accès aux agents. On a donc décidé d'établir une stratégie quasi systématique. Je me suis installé à Harrington, juste à côté de Washington, dans un studio, et pendant huit mois, j'ai vu pratiquement un agent par jour. Quand j’avais collecté assez d’informations, Fabrizio venait aux États-Unis et on en interviewait une vingtaine.
Comment avez-vous obtenu l’accord du Bureau ? Certes le FBI a besoin de promotion, comme on le voit dans votre série, mais convaincre est plus délicat pour un documentaire que pour une fiction…
David Carr-Brown: Cela a été une longue négociation, ils nous ont donné les choses petit à petit. On y est d’abord allé tous les deux, puis Fabrizio est rentré. J’ai eu ensuite des rendez-vous avec plusieurs personnes du FBI pour expliquer le projet. La prise de confiance s'est faite agent par agent. J’ai compris que chacun faisait un rapport après nous avoir vus. Il y avait donc un comité qui gérait un peu cet accès.
On a eu l’interview avec le directeur tout à la fin, au bout de presque 10 mois. Ils discutaient de nos questions, voulaient comprendre où on voulait en venir et devenaient très curieux à propos de notre approche. Ce qui a joué en notre faveur c'est que nous n’avons interviewé que des « specials agents ». Ceux-ci étaient d’opinions très diverses. Certains étaient de gauche, d'autres de droite, mais il y avait un esprit de corps... et je pense qu’ils ont considéré que cela donnerait un portrait juste. Fabrizio pourquoi tu penses qu’ils nous ont donné accès ? Parce qu’on est des gentils garçons ?
Alors, à part votre gentillesse ?
Fabrizio Calvi: À part notre gentillesse ? Ça a été très progressif. Peut-être parce que c’était une télévision étrangère, ou des auteurs étrangers. Ensuite il y a le rapport humain : ils nous ont "donné" un agent qui, en fait, était chargé de nous tester. Lui-même nous a envoyé sur Cartha DeLoach, ancien numéro 2. On l’a vu très longuement et c'est apparemment lui qui a donné le "OK !". Ce qu’on se disait entre nous, c’est peut-être que le côté britannique de David leur a permis de le reconnaître comme étant des leurs, d’une certaine manière. Au niveau culturel et de l’éducation. Et moi j'ai apporté le côté français un peu décalé. Le mélange a bien fonctionné.
David Carr-Brown: Et puis, surtout, je pense qu’ils font plus confiance aux médias européens, qui sont moins polarisés. C’est-à-dire que si tu es à Fox News, tu n'est pas ailleurs : il n’y a pas des types de gauche mélangés à des types de droite. Ils pensaient donc être bien traités par une télévision "d’État".
Quand vous-dîtes qu’un agent vous a testé, vous le sentiez ? Vous a-t-il posé des questions ?
Fabrizio Calvi: On s’en doutait bien. Il fallait jouer le jeu.
David Carr-Brown: Ce sont tous des maîtres interrogateurs. Ce qui est très dur, c’est de les interroger eux. Mais ils ont bien joué le jeu.
Y avait-il des questions à éviter, qui fâchent ? Des dossiers sensibles ?
David Carr-Brown & Fabrizio Calvi: Non...
Fabrizio Calvi: Il y a des dossiers sur lesquels ils ont été très clair dès le départ. Par exemple, ne seraient ni abordés le contre-espionnage, ni la méthodologie du contre-terrorisme. Sinon, pour le reste, ils nous ont effectivement parlé de leurs méthodes concernant la criminalité organisée, les tueurs en série… ce qu’ils ne font jamais, d’habitude, pour des raisons de confidentialité.
David Carr-Brown: Ils ont le droit de s’exprimer sur tout ce qui a déjà été jugé. Ce n’est pas la CIA : ce sont des juristes. Une fois qu’un crime a été jugé ils peuvent tout balancer.
Une longue partie du premier épisode s’attarde sur Hoover. S’agit-il du fruit de vos propres investigations ou des gens du Bureau ont-ils accepté de parler librement sur le sujet ?
Fabrizio Calvi: Énormément de gens du FBI se sont exprimés sur Hoover. Durant les premiers contacts nous craignions qu’il y ait de la langue de bois, mais les critiques les plus pertinentes sur Hoover et sa façon de fonctionner proviennent des agents eux-mêmes. Vous verrez dans les épisodes 2, 3 et 4, qu’il y a, de la part des gens qui ont organisé la lutte contre le crime organisé ou contre les tueurs en série, une critique explicite du fonctionnement de Hoover et de la manière dont il a fait régner une sorte de chape de plomb sur le Bureau. Le FBI a failli en mourir et il lui a fallu des années pour ressusciter.
Hoover est cependant considéré aujourd’hui comme une sorte de légende...
Fabrizio Calvi: C’est le père fondateur, il reste une icône. D’une certaine manière ils l’ont tué. Hoover ne voulait pas qu’on lutte contre le crime organisé, il avait des idées très précises sur ce que devait être les agents : il ne devait pas y avoir de femmes, très peu ou pas de noirs, et pas de révolution dans les techniques policières. A sa mort, tout cela a changé. Les femmes et les noirs sont arrivés. La manière dont la lutte contre la criminalité organisée et les tueurs en série a pris son essor sont des choses qui, pour lui, étaient d’une certaine manière inconcevables.
Pour quelles raisons, selon vous, ont-ils malgré tout accepté de faire ce documentaire ? La publicité ne leur manque pas avec toutes les séries qui, aujourd’hui plus que jamais, popularisent leur action, partout dans le monde.
David Carr-Brown: Au fur et à mesure que le projet avançait, quand les agents ont vu que nous constituions les archives de tout ce qu’ils avaient fait, ils ont tous voulu être interviewés.
Le FBI n’avait pas déjà effectué ce travail ?
David Carr-Brown: Non, personne ne l’avait fait... Je recevais des e-mails d’agents, du type : « j’ai peut-être quelque chose d’intéressant à vous raconter. » Ça a fait boule de neige, il y a même eu des gens que nous n’avons pas pu filmer, et qui voulaient pourtant venir nous parler. Donc cela a plus que marché. Ils ont vu que nous mettions au point une véritable base de données et voulaient en faire partie.
Quels sont les précédents travaux documentaires sur le sujet ?
David Carr-Brown: Il y en avait beaucoup et de très différents.
Fabrizio Calvi: Il y a eu beaucoup de séries qui s’intéressaient aux histoires du FBI, dossier par dossier. La difficulté du film a été précisément d’éviter cet écueil, parce que dès que vous commencez à rentrer dans l’affaire Kennedy, vous pouvez faire un 52 minutes sur le sujet. Le talent de David a été précisément de savoir synthétiser toutes ces histoires pour en tirer la substantifique moelle. Beaucoup d’histoires auxquelles nous avons du renoncer sont dans le livre que nous avons fait ensemble. L’ouvrage va plus au fond des choses.
David Carr-Brown: Au-delà du livre, nous allons mettre en place un site Internet, pour lequel nous avons beaucoup d’informations à exploiter. Il y aura certainement d’autres films dérivés du matériau d’origine.


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