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KRAA : UN DIALOGUE ENTRE ARTHUR PENN,
CLINT EASTWOOD ET JOHN BOORMAN
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Commençons par le pitch. Le récit se situe vers la fin des années 1920, dans une vallée du grand Nord, probablement au Canada. Le maire d'une ville éloignée de tout veut profiter du réchauffement de la zone, pour cause d'activité volcanique souterraine, pour en exploiter les ressources naturelles qui abondent et faire surgir une mégalopole de ce no-man's land.
Cette ville champignon qui surgit déjà à des relents de ruée vers l'or et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le maire en question se nomme Klondike. Face à ce progrès en marche, la nature en sursis semble démunie, avec quelques indiens pour protecteurs et un jeune aigle royal, Kraa, dont les parents ont été tué. Il est le dernier seigneur des lieux et c'est par ses yeux et sa pensée que nous allons voyager dans cette épopée très cinématographique, qui fait aussi bien écho à Impitoyable d'Eastwood (la vengeance), Little Big Man d'Arthur Penn (le respect de la culture indienne), qu'à La Forêt D'Émeraude de John Boorman (le shamanisme animalier). Plutôt pas mal comme références.
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ESSENCE CHAMANIQUE
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Sokal a fait de Kraa est un être quasi surnaturel relié par une connection d'essence chamanique, une fraternité mystique, à un enfant indien qui devient lui aussi le dernier de son peuple (sa tribu sera décimée par des prospecteurs avides sans scrupules). Leur lien fusionnel est restitué sans exagération, sans abus outrancier d'une mystique cliché qui aurait pu gâcher cette œuvre singulière.
Le monde animalier Sokal connaît, lui qui a mené la vie dure au célèbre Canardo pendant 19 albums. Mais passer du pastiche au réalisme de Kraa est un virage à 90 degrés, que l'auteur amorce avec le talent d'un Shumacher. Avant que Kraa ne devienne une BD, Benoït Sokal avait pensé en faire un jeu vidéo de simulation d'oiseau. Cela ne vous semblera pas saugrenu lorsque vous vous sentirez comme blotti dans les airs, au fil des pages, sous le duvet de l'aigle Kraa. Souhaitons que la suite à paraître soit à la hauteur de ce premier tome et que l'attente ne soit pas trop longue, même si l'on présage déjà que la fin sera forcément tragique.
28/09/2010