*- FIN D'EMPIRE - Biarritz, 2007. Dans l'hôtel du Palais, ancienne résidence d'été de l'impératrice Eugénie, face à la mer, un homme usé et malade de 74 ans vit ses derniers instants loin des siens, comme ses animaux blessés qui se cachent pour mourir. Où sont passés les millions de français qui l'ont accompagné pendant 20 ans ? Pourquoi cet épilogue triste et solitaire, indigne d'un homme si populaire ? Un grand écart des réalisateurs nous permet, après cette introduction poignante, de découvrir son enfance douloureuse chez les jésuites, celle d'un enfant orphelin de père, délaissé par sa mère qui a reconstitué une nouvelle famille. Il en gardera une blessure ouverte à jamais, se tournant vers le spectacle pour attirer son attention. Très vite, il rêve de monter sur les planches, d'inscrire son nom en lettres de feu sur les grands boulevards. - IMPASSE ARTISTIQUE - C'est d'ailleurs avec un numéro de claquettes et de chant totalement décalé, que les images d'archives nous permettent de découvrir, qu'il fait sa première apparition dans la mire du petit écran, à Télé Strasbourg en 1959, sous le pseudonyme de Ducerf. Remarqué par Jacques Chancel, l'un des témoins du film, il devient ensuite un homme de radio auprès de Jean Yanne, son professeur principal à l'école de l'impertinence. Amis, famille et collègues du métier racontent ensuite la première prise d'antenne régulière du futur indéboulonnable d'Antenne 2. L'émission s'intitule 1=3, présentée une fois de plus avec Jean Yanne. Un sketche sur Napoleon, nous apprend-t-on, leur vaudra son arrêt prématuré. L'homme ira ensuite de déceptions amoureuses en échecs artistiques (sa comédie musicale Petit Patapon fait un bide, le laissant dans une impasse artistique, au bord du gouffre). - HEURES DE GLOIRE - L'heure du carton plein arrive avec Le Petit Raporteur en 1975, une émission insolente qui indispose au plus haut point le pouvoir en place (Valéry Giscard d'Estaing) et devient culte instantanément (« à la pêche aux moules, moules, moules...»). Des images étonnantes nous permettent d'en découvrir les coulisses, nous montrant un Jacques Martin autoritaire, dirigeant ses équipes comme un maître de classe. Un chef qui n'apprécie pas qu'on lui fasse de l'ombre. Le très subversif Pierre Desproges en fera les frais. Il claquera la porte du Petit Raporteur pour faire la carrière que l'on sait. Le Petit Raporteur a fait de lui une star. Dimanche Martin fait de lui une légende du petit écran et tempère ses frustrations d'artiste raté. Il sera en effet, pendant plus de vingt ans, le chef d'orchestre des après-midi dominicales d'Antenne 2 (puis France 2) avec des émissions enregistrées dans un vrai théâtre, celui de l'Empire. - BLESSURES PRIVÉES - Le film a le mérite de nous montrer l'homme dans toutes ses dimensions, sans occulter les défauts qui caractérisaient ce boulimique de travail, ses absences, ses excès. En approchant la sphère privée, apparaissent les blessures. Présentes depuis l'enfance, elles vont se raviver en pleine gloire. S'il eut huit enfants, de quatre femmes différentes (deux pour chaque), ce grand amoureux vécu très mal ses ruptures. L'épisode Cécilia est évidemment abordé (elle est la seule des mères des enfants de l'homme de télé à ne pas s'exprimer). L'homme vécu bien sûr comme une terrible trahison le départ de celle-ci pour celui qu'il pensait être son ami, l'actuel président, Nicolas Sarkozy, dont il avouera plus tard, sur un plateau de télé, que l'envie de le tuer l'avait effleuré. Il avait pourtant dérogé à sa ligne de conduite pour lui et accepté, pour la seule et unique fois de sa carrière, de soutenir publiquement un homme politique (Javques Chirac, en 1988). - DERNIER ACTE - Jacques Martin remontera difficilrement la pente et finira par tout de même par retrouver l'amour. Il épousera en 1992 Céline Boisson, de 37 ans sa cadette. Cinq ans plus tard, il sera viré comme un malpropre par les pontes de France 2. La nuit même de cette terrible nouvelle, il sera victime d'un AVC. Celui-ci le laissera terriblement amoindri. Triste fin de parcours. Il ne reparaître sur un plateau que pour son ami Laurent Ruquier (celui-ci raconte), qu'il a lancé, comme beaucoup d'autres (dont Laurent Gerra, Julien Courbet...). Les dernières années seront une lente agonie, les amis des temps du succès lui ayant pour la plupart tournés le dos. Déclinant, l'ancien empereur du dimanche cathodique aura a subir la nouvelle de l'explosion du lieu de ses triomphes. Le 13 février 2005, la destruction du Théâtre de l'Empire sonne le glas d'une époque et attaque un moral qui n'est plus d'acier depuis bien longtemps. C'est en solitaire, à Biarritz, que Jacques Martin, condamné par un cancer, va décider de s'eclipser. Et comme un vieil éléphant, impérial et digne, les déferlantes pour seul public, il monte seul en scène pour le dernier acte, le 14 septembre 2007. ![]() - DANIÈLE ÉVENOU, MÈRE DE DEUX DES HUIT ![]()
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